Risques de transition

Risques de transition

Mis à jour le 17/12/2025

Risques de transition : quels enjeux pour les entreprises ?

Myriam Mérad décrypte la nature des risques de transition et les enjeux clés pour les entreprises comme pour leurs partenaires assurantiels. Directrice de recherche au CNRS, elle a contribué au rapport sur l’assurabilité des risques climatiques remis au gouvernement en avril 2024. Ses recherches abordent les enjeux de transition et leur impact sur les modèles assurantiels.

Comprendre les risques de transition 1/ La transition vers une économie bas-carbone, sobre en ressource et soucieuse de la préservation de la nature transforme l’environnement politique, réglementaire, technologique, réputationnel et économique des entreprises. 2/ Les risques de transition regroupent les impacts liés à ces changements : nouvelles réglementations, normes et obligations, pression sur les coûts et les volumes de production, évolution des marchés, obsolescence de technologie, innovations de rupture, pression des parties prenantes, adaptation des ressources humaines. 3/ Les risques de transition se distinguent des risques physiques, qui renvoient aux dommages causés directement par les événements climatiques (inondations, sécheresses, tempêtes…). 4/ Pour les ETI/PME, les risques de transition sont des risques financiers, opérationnels et réputationnels qui peuvent toucher les coûts d’exploitation, la compétitivité, l’attractivité, la chaîne d’approvisionnement ou la valeur des actifs voire la pérennité de ces entreprises. 5/ Du côté assurantiel, ils influencent l’évaluation du risque, la disponibilité des garanties et les démarches de prévention notamment par les transformations que les entreprises peuvent mettre en œuvre pour les atténuer. 6/ Anticiper, mesurer ses émissions, sécuriser ses flux et bâtir sa gouvernance et sa stratégie bas-carbone et environnementale, associer son assureur en amont de ses transformations peuvent être des leviers clés pour sa compétitivité et son assurabilité.

PAROLE
D'EXPERT

  • La transition peut fragiliser les entreprises si elle est mal calibrée.

    Myriam MERAD Directrice de recherche au CNRS

Pouvez-vous définir ce que l’on entend par « risques de transition » et quels en sont les principaux moteurs ?

Les risques de transition désignent les vulnérabilités issues des politiques et dynamiques de décarbonation. Ils relèvent de facteurs réglementaires, économiques, technologiques et sociaux. Ils combinent incertitude technique et incertitude normative, car les critères de décision évoluent. Les principaux moteurs des risques de transition sont les normes (SNBC1, CSRD2, taxonomie) qui imposent des transformations rapides ; les signaux fiscaux et financiers (carbone, quotas, désinvestissements) qui fragilisent certaines filières ; l’incertitude technologique, source de verrouillage ou d’obsolescence et enfin les tensions sociales (acceptabilité, justice, participation). Les travaux AIDHY3 montrent un désalignement entre temporalités politiques, industrielles et
sociales, générant des vulnérabilités invisibles dans les approches classiques. Ces risques sont désormais intégrés dans les cadres internationaux (TCFD4, GIEC5, NGFS6).

En quoi ces risques se distinguent-ils des « risques physiques » ?

Les risques physiques concernent les impacts directs du changement climatique (canicules, sécheresses, montée des eaux). Les risques de transition sont indirects, produits par les mesures de mitigation (atténuation des effets du risque). Les deux catégories interagissent : une transition mal calibrée peut créer des dommages socio-économiques, et un retard de transition accroît l’exposition physique.

Comment ces risques se matérialisent-ils pour une entreprise ETI/PME ?

Ces risques se matérialisent par une hausse des coûts de conformité et d’adaptation ; des ruptures de chaînes d’approvisionnement, notamment via la criticité des intrants ; une fragilisation de certains modèles économiques exposés à l’obsolescence réglementaire et des difficultés RH liées aux compétences nécessaires à la transition.

Les secteurs les plus exposés sont :
- l’industrie lourde (émissions élevées, technologies incertaines),
- les transports (forte dépendance fossile),
- le bâtiment (normes énergétiques),
- l’agriculture (intrants fossiles, controverses sociales),
- le numérique (empreinte énergétique croissante)
- et les secteurs à forte visibilité sociétale (mode, aviation de loisirs, distribution).

Quelles données ou indicateurs deviennent essentiels pour documenter cette exposition ?

L’exposition aux risques de transition nécessite des indicateurs croisant des données environnementales (GES 7, intensité carbone, dépendances énergétiques et matérielles) ; des données économiques (part du CA carboné, CapEx vert 8, sensibilité aux prix) et des données institutionnelles et sociales (planification, compétences, acceptabilité, risques réputationnels). Les travaux AIDHY proposent une évaluation croisée : exposition sectorielle, capacité institutionnelle de réponse, et acceptabilité sociale, permettant de cartographier les vulnérabilités
territoriales.

1 Stratégie nationale bas-carbone (SNBC)
2 Directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, ou directive 2022/2464 CSRD
3 Le projet AIDHY s'appuie sur un consortium pluridisciplinaire alliant sciences humaines et sociales, sciences économiques, sciences naturelles et
sciences de l'ingénieur en vue de fournir une aide à la décision pour des porteurs de projets, des régulateurs, des territoires, des tiers garants, et des
citoyens.
4 Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD)
5 Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
6 Network for Greening the Financial System (NGFS) ou Réseau pour le verdissement du système financier
7 Gaz à effet de serre (GES)
8 CAPEX verts : dépenses en capital de l'entreprise qui sont alignées sur des critères environnementaux stricts, participant à l'économie verte.

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